L’Algérie, reine du tourisme (1928)
Cet article signé par un spécialiste de l’Algérie coloniale de l’époque (1928 !) fait la promotion de l’Algérie comme destination touristique. La présentation est ambitieuse mais le propos non dépourvu des préjugés coloniaux de cette époque…
Aujourd’hui, le tourisme a créé en France, une industrie productive qui était autrefois le monopole de nos voisins et amis les Suisses ou les Italiens. En Algérie, l’intérêt du tourisme est évident à plusieurs points de vue : à côté des profits que réalisent tous ceux qui vivent du voyageur, il y a pour notre grande colonie un moyen de montrer aux capitalistes de tous pays quels magnifiques résultats nous avons obtenu de l’autre côté de la Méditerranée.
Souvent, le touriste est séduit, au cours de son voyage, par tel site, tel aspect original de la vie indigène, tels vestiges des civilisations passées et aussi par l’effort qui a été réalisé pour la transformation économique des régions qu’il traverse.
Beaucoup de voyageurs, beaucoup de passants ont été conquis par le charme inexprimable que dégage la vie algérienne ; ils se sont fixés définitivement en Algérie, y apportant leur intelligence et leurs capitaux et aidant ainsi à la mise en valeur de toutes les richesses de la colonie.
Au point de vue des races, l’intérêt n’est pas moins vif. Le tourisme n’est-il pas un moyen de mettre en présence l’esprit musulman et l’esprit européen, et de les faire s’apprécier ?
Peu à peu, l’Algérie est mieux connue. Maintenant, ce ne sont pas seulement les paysages kabyles, les oasis des Territoires du Sud, les ruines classiques de Timgad qui attirent le touriste. Voici que la région, jusqu’à présent inaccessible de l’Aurès, s’ouvre au flot touristique. Puis les ruines fameuses de Djemila, l’antique Cuicul dont la mise à jour est poussée activement, deviennent le point de mire de nos grandes entreprises de voyage.
On a dit que l’Algérie était le premier studio du monde, on a répété qu’elle était la Reine du Tourisme ; rien n’est plus exact.
De tout notre empire colonial, l’Algérie est le pur joyau, la terre de prédilection des artistes et des rêveurs. Qui ne connaît la majesté de ses forêts de cèdres millénaires, la splendeur de ses nuits argentées, le mystère de ses oasis enchantées, ne peut s’imaginer tout le charme, tout l’imprévu, toute la poésie qui se dégagent de cet admirable pays. L’Algérie possède des sites remarquables ; au pittoresque des régions montagneuses, elle joint la beauté de son littoral qui est l’égal de notre Côte d’Azur et la splendeur de ses magnifiques oasis. Des vestiges imposants de l’occupation romaine se retrouvent sur tout son territoire : les fameuses ruines de Timgad, de Lambèse, de Tébessa, de Khamissa, de Djemila, de Tipaza ou de Cherchell ont pour le touriste ou l’archéologue un intérêt aussi considérable que celles de Pompéi.
Ces merveilles sont encore trop méconnues ; l’Algérie offre cependant aux touristes les multiples ressources d’une large hospitalité. Ses routes bien entretenues permettent des randonnées faciles en automobile, ses chemins de fer valent ceux de la Métropole ; dans toutes les grandes villes ou centres touristiques des hôtels confortables et modernes accueillent les voyageurs.
Les trésors touristiques abondent en Algérie. Qu’il nous suffise de citer dans la province d’Oran : la ville arabe de Tlemcen, l’ancienne capitale du Maghreb et du royaume des Abd-el-Ouadit, curieuse par ses mosquées, par ses monuments nombreux, vestiges de sa prospérité passée ; le port de Mostaganem qui a conservé tout son cachet arabe, les palmeraies superbes de Figuig et de Colomb-Béchar ; dans la province d’Alger : l’impressionnante oasis de Bou-Saada, la grande Kabylie avec ses populations originales ; les ruines romaines de Tipaza et de Cherchell ; les gorges de la Chiffa, la merveilleuse forêt de cèdres de Teniet-el-Haad, la mer d’Alfa à Djelfa, enfin au-delà, dans l’extrême sud, l’oasis de M’Zab, unique au monde avec ses cinq cités confédérées groupées autour de Ghardaïa ; dans la province de Constantine perchée sur un rocher à pic au-dessus du gouffre ; les ruines romaines de Lambèze, de Timgad, au pied de l’Aurès, ville détruite au VIIe siècle par l’invasion arabe ; la célèbre oasis de Biskra, la reine des Zibans, les palmeraies de Souf avec la ville aux mille coupoles d’El Oued : l’oasis de Touggourt, « la cité parmi les sables… », et plus au sud encore cette ville saharienne d’El Goléa qui est bien la cité la plus nostalgique et la plus surprenante de cette Afrique mystérieuse.
L’Algérie laisse à ceux qui la visitent l’impression réconfortante d’une terre de beauté et d’originalité où les contrastes les plus violents se mêlent agréablement aux jouissances artistiques les plus raffinées.
La nature, les hommes et la vie, par leurs oppositions et leurs curieuses transitions, y forment un ensemble qui est pour le voyageur le spectacle le plus attachant et le plus original qui puisse se concevoir.
Toutes les variétés de races : berbères, maures, descendants de barbaresques, juifs que l’on croirait sortis des vieilles ruelles de Jérusalem, sahariens touaregs, évoluent dans les décors pleins de lumière et de poésie.
L’Algérie, toujours pittoresque, offre aux touristes des curiosités naturelles absolument uniques, des richesses historiques ou ethnographiques d’une valeur incomparable.
Aussi n’est-il pas étonnant que le mouvement touristique se développe chaque année un peu plus, donnant à cette nouvelle France un essor économique indéniable.
Comme on comprend bien ceux qui viennent chercher sur cette terre algérienne des impressions originales et violentes, et qui aspirent à un climat plus clément, à un ciel plus pur, à un soleil plus généreux ! L’Algérie prodigue tout cela avec une générosité sans limites.
Félix Falck, « L’Algérie reine du tourisme »,
Voyages, revue mensuelle, n°9, septembre 1928
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